Dans la création poétique de Cendrars, cette œuvre est moins connue que la Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France (1913). Kodak
est cependant plus représentatif du modernisme de son auteur. Ce titre indique déjà que chaque poème veut être comme une photographie.
Celle-ci est censée reproduire le réel à l’état brut: aucune intention de l’« auteur» ne vient imposer la marque d’une subjectivité. Chaque poème étant fait d’une juxtaposition de «clichés, l’ensemble obéit à une esthétique simultanéiste (rapprochements d’éléments fondés uniquement sur la coïncidence). Enfin, ces textes n’ont rien d’un authentique reportage: ils sont fondés dans leur presque totalité (41 poèmes sur les 44 du recueil) sur un travail de découpage et de collage à partir de l’½uvre de Gustave Le Rouge: Le Mystérieux Docteur Cornélius (1913). On voit ainsi naître deux nouvelles orientations : la création d’un effet poétique par le changement de contexte et par la «mise en vers – de la typographie; une esthétique du «chromo», d’autre part, révélant une forme de beauté dans les clichés (au sens linguistique) dont Gustave Le Rouge fait un abondant (mais habile) emploi.
# À défaut de pouvoir mesurer la portée réelle de l’influence de cette oeuvre de Cendrars (1887-1961), on doit la situer au cœur des tentatives caractéristiques de la modernité tout au long du XXème siècle : collage (le peintre Max Ernst), objectivisme (Hocquard), cubisme littéraire (Reverdy, Max Jacob, Apollinaire), travail de transformation d’un texte antérieur (Tortel, Roubaud), simultanéisme (Apollinaire).