Cette suite de poèmes répond au désir de retrouver un contact immédiat avec la nuit, avec un certain mystère de la présence du monde. La nuit se présente sous les traits d’une femme dont l’apparition a valeur libératrice. Le réel se donne alors à nouveau à l’homme, comme dans une renaissance. Il se révèle dans le passage qui relie le monde céleste au monde terrestre, que symbolise le nom de Lazare. Car l’ensemble est placé sous le signe de la mort, et le monde ne peut être redécouvert que par l’acceptation de la finitude. L’image joue un rôle crucial. Moyen de recréer le lien, elle offre aussi le risque de se perdre dans le prestige inauthentique des mots qui séduisent. Le poème est donc doublé d’une critique de la poésie. Plus profondément, la poésie est sans cesse brisée, retenue dans la prose, comme par un constant rappel à l’ordre. Cette vigilance représente sans doute le trait le plus remarquable de plus poétique) d’une oeuvre qui parvient à se construire en respectant toujours sa mesure: l’image onirique, parce qu’elle n’est pas cultivée pour ellemême, permet de retrouver une présence du réel immédiat dans l’apaisement de la neige qui voile, sans le masquer, le visage entr’aperçu.
Avec À la lumière d’hiver, Jaccottet (né en 1925) se libère de la contradiction entre le réalisme (L’Ignorant, 1958) et l’allégresse trop parfaite des images de Airs (1967). On peut saisir son influence dans le renouveau d’une certaine simplicité dont Paul de Roux est le représentant le plus authentiquement original.
Les textes de Jaccottet constituent la meilleure introduction à son oeuvre. Une transaction secrète (1987) présente une étude sur À la lumière d’hiver.